lundi 19 avril 2010

Huppé cul 2 (hc15) - Du prince carnaval à l’effrayeur de poules

Didier de Lannoy
Huppé cul !
assemblage de chroniques prétendument quotidiennes, janvier-mai 2008
Série 2 - Extraits


D'autres dépêches des séries Huppé cul, etc ?
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Le prince carnaval


Quand c’est l’hiver, il fait

- Faites monter l’ascenseur, jeune homme ! Elevez-vous ! Emeutez-moi !

- Scusez-ngai, Maman ! Moyen ezali lisusu te ! Le clocher menace de s’effondrer !

vraiment trop froid et mon pénis ne veut même plus montrer le bout de son nez, sortir de sa couette, se lever, s’habiller, farfouiller, fourrager, s’enquérir, sociabiliser. Il a trop peur d’attraper un mauvais rhume, disti.


Et Cannabis, ça ne va pas très bien non plus


Cannabis se remet difficilement de sa chute dans l’escalier.

Il ne nous fait plus trop de bisous comme avant. Il ne grimpe plus dans notre lit et ne creuse plus de galeries sous notre couette. Il s’endort (et qu’est-ce que ça ronfle et qu’est-ce que ça ronronne !) moins dans le cou, sur la poitrine et entre les cuisses de ma femme mariée. Il rechigne même à grignoter les peaux usées des bars et des jambes de son vieux mac.

Son caractère a changé : il râle tout le temps, boude, mord, se méfie, s’effraie pour un rien, ne s’empare plus des slips, soutiens-gorge, paires de chaussettes et mouchoirs qui traînent au pied du lit, ne se roule plus dans le sable ou la poussière, ne vient plus manger de la salade et du riz dans notre assiette, ne vole plus les croûtons de pain, les paquets de cigarettes et les morceaux de sucre de canne, prend ses distances... et nous tire carrément la gueule… Comme s’il ne nous faisait plus confiance et nous tenait rigueur de quelque chose…

On lui avait pourtant

- On ne court pas dans l’escalier avec une sucette en bouche, Cannabis !

bien dit

- Fais bien attention, Cannabis !

de faire bien attention.


Les punis (affaire Bordet, suite)


On signale des attroupements de fumeurs

confesseurs et paroissiens, taulards et matons, édentés et cuisiniers, clientes et caissières, marchands de livres et anagnostes, chirurgiens et trépanés, supporters de la geuze et du Sporting d’Anderlecht et contre-manifestants du Standard de Liège et de la Jupiler, viandards et prestataires de services sexuels

sur le trottoir, à l’entrée ou à la sortie, près de la porte, dans le hall ou le sas ou devant la barrière ou la grille d’entrée de

l’église Saint-Boniface

les prisons de Saint-Gilles et de Forest

le stade Constant Vanden Stock

le Delhaize de la rue de Hennin

l’hôpital Saint-Pierre

le Tournant et la Mandibule au coin de la chaussée de Wavre et de la rue Goffart

la Foire du Livre de Bruxelles, à Tour et Taxis

un salon de prostitution de la rue d’Aerschot où, dans la nuit de mardi à mercredi vers 2h 45, Mona Lisa (une « Liegende Frau » ou une « Madonne à la serviette de bain » qui s’exhibe torse nu, en plein hiver, et dont la poitrine sent l’oignon parfumé au gingembre et au pili-pili), refuse son corps à un client d’une trentaine d’années qui se déboutonne et

- Te ! Naboyi na ngai !

- De quoi a-t-on peur ? On nous fait ses premières règles ?

qui la menace d’une lame de 18 centimètres de long et de 6,5 centimètres de diamètre.


Et aussi devant les grilles du cimetière d’Ixelles.

Ils sont tous là.

Tous.

Les « civils inconnus » : le teinturier de la rue Lesbroussart qui vendait des pizzas (et l’épicier, des fringues… un peu plus haut dans la même rue), l’inventeur de la machine à vider le lave-vaisselle, la grenouille mariée contre sa volonté à un rat d’égout déprimé, les mites (qui bossaient chez les riches, dans les garde-robes des maisons de maître, du côté des Etangs d’Ixelles) et les blattes (qui squattaient chez les pauvres, dans les caves de la rue Gray ou dans les cuisines de la rue Longue Vie), les végétariens et les plantes carnivores…

Et les « morts connus » et « responsables » qui, avant de mourir, n’ont pas oublié de vider leur frigo et de le débrancher, de placer leur chat ou leur canari chez un voisin ou un parent et de remettre les clefs de leur appartement au propriétaire de l’immeuble : Victor Horta, Constantin Meunier, Camille Lemonnier, Jules Bordet, Louis Empain, Lilian Tala-Ngai, Ernest Solvay, Eugène Isaye, Charles De Coster et Marguerite de Bonnemains, la petite copine du général Boulanger…


Et même le grand Djèze, très amaigri

accusé (par les uns) d’être le chef d’un réseau terroriste alimenté par des fonds provenant du grand banditisme et d’avoir porté atteinte aux valeurs sacrées du royaume et

soupçonné (par les autres) d’avoir parlé sous la torture, trahi ses camarades et dénoncé les membres de son réseau

- Les agents de la Sûreté ont couché la potence sur le sol et m’ont arraché les clous avec un pied-de-biche ! Mais ils m’ont tout de même mis les cra-cra ! Et ce n’est pas très facile de tirer sur une clope avec des menottes aux poignets !

a été décroché de sa croix pour la circonstance.


Correspondances particulières


Jean Bofane (alias Fossoyeur Jones), Ben Mavinga et Jean-Pierre Kabeya prennent des nouvelles de Cannabis et veulent connaître toute son histoire : fait-il réellement partie de la famille, quels sont ses antécédents, comment gagne-t-il sa vie

- Non, Cannabis n’est pas un vieux rat, ivrogne et boiteux, qui fréquente les bistrots des environs de la place Dailly et qui travaille comme informateur pour la police fédérale !

qui sont exactement ses parents, que lui est-il arrivé précisément, dans quel état se trouve-t-il et va-t-il s’en sortir ?


Et si

- Non, je n’ai pas enfoncé un couteau dans le dos de Cannabis ! Ni même dans sa cuisse droite

je suis certainement coupable de quelque chose ?


Djèze


Djèze a failli naître dans un taxi « express », bloqué dans un embouteillage sur la route de l’hôpital de Kintambo.

Tout ce qu'il sait de son père, c'est qu'il a été l'amant de sa mère.


Le petit-déjeuner de Monsieur


On apporte à Monsieur, dans sa chambre, le plateau du petit-déjeuner.

Monsieur ne mange plus que des petits pois, coupés en quatre

- Des petits pois ?

- Des petits tétons, quoi ! Des raisins secs !

dénoyautés, sans os ni arêtes.

On toque à la porte de la chambre de Monsieur avec le bout de la chaussure. On actionne la poignée de la porte de la chambre de Monsieur en se servant du genou. On repousse avec le pied gauche le rat

- Ce n’est pas un rat, c’est un octodon !

de Monsieur qui se faufile et essaie de se glisser à l’extérieur. On referme d’un coup de hanche la porte de la chambre de Monsieur.


Un appel sur mon portable


Je reçois

- Bizarre et angoissant !

un appel de la police criminelle sur mon téléphone portable : « Connaissez-vous le tram 81 ? Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ? »


Les policiers

- N’est-ce pas vous qui projetiez d’égorger Racine, Lamartine et Victor Hugo ?

apparemment, connaissent bien mon dossier… Mais je leur fait remarquer qu’il arrive à tout le monde de s’égarer : un caravanier du Soudan peut se perdre dans le désert de Namibie, un jambon d’Ardenne peut se pendre dans le grenier d’une mosquée ou d’une synagogue, la ligne 81 peut avoir été déviée par l'avenue du Parc, la place de Rochefort et l'avenue Wielemens-Ceuppens…


L’effrayeur de poules


Sentant un vent de contestation se lever, Dieu

- Je m’excuse d’avoir tué tout le monde ! Je m’excuse d’être encore vivant ! Désolé !

fait mine…

Puis il se presse d’égorger un singe pour effrayer les poules !